mercredi 27 mars 2013

Texas à Paris


C'est parfois quand les artistes n'ont plus rien à prouver qu'ils deviennent plus attachants. Pour exemple ce huitième album du groupe Texas, qui sort en mai prochain et que l'infatigable Sharleen Spiteri est venue raconter la semaine dernière à des journalistes prêts à en découdre avec son accent écossais. Plus de disque depuis 2005, hormis une escapade solo réussie pour sa chanteuse, un guitariste revenu des morts (rupture d'anévrisme en 2009)…, le blockbuster pop-rock des années 90 semblait sérieusement avoir mis la veilleuse. Or il suffit d'écouter quelques notes de The conversation pour se rappeler que les 30 millions d'albums vendus par les Ecossais ne sont pas le fruit du hasard. Décontracté (mais ils ont toujours semblé l'être), sans pression, Texas renoue avec l'efficacité de ses débuts sans pour autant se répéter. Ils ont bossé avec Bernard Butler, ex-Suede et Richard Hawley, ex-Pulp. Mais on pense plus que jamais à Blondie et à Chrissie Hynde en écoutant des titres comme Detroit City ou Talk about love. La tonalité un poil rétro de l'ensemble confère au disque un charme assez réjouissant. Et quand on demande à Sharleen pourquoi cette affaire-là marche si bien depuis quand même 25 ans, elle répond spontanément : Well, it's just because I'm a bitch ! Tout roule, donc.

jeudi 21 mars 2013

Mieux que Radiohead ?


C'est la question que se posent pas mal de fans à l'écoute d'Atoms for Peace, le projet de Thom Yorke, qui vient de sortir Amok, bel exercice de style electro-pop. On se souvient que le leader de Radiohead avait déjà œuvré en solo, sur l'album The Eraser, plutôt réussi. Ici, accompagné notamment de Nigel Godrich (producteur de Radiohead) et de Flea des Red Hot, le petit Thom pousse le bouchon un peu plus loin. Pas trop loin, d'ailleurs, juste ce qu'il faut pour proposer une musique pointue, élaborée, mais pas inaccessible. Un peu ce qu'on aimait dans le Radiohead des grands jours, non ?

dimanche 17 mars 2013

Sugar man Vs Nabila



En voyant - enfin - Searching for Sugarman, on se dit évidemment mille choses sur la portée de la musique, la valeur de l'argent, d'une carrière, le poids du temps, etc. Le film et l'histoire de Rodriguez font suffisamment de bruit aujourd'hui pour qu'il ne semble pas utile de revenir sur ce parcours extraordinaire. Parmi les questions qu'on se pose, celle de savoir si la vie de Rodriguez aurait été entièrement différente au temps d'Internet et des réseaux sociaux, n'amène pas une réponse catégorique. Les choses auraient été différentes, mais pas forcément mieux. En revanche, ce qui fait froid dans le dos, c'est de mettre soudain en parallèle le temps (plusieurs décennies) qu'il aura fallu à Rodriguez pour découvrir qu'il avait vendu des centaines de milliers de disques en Afrique du Sud et la rapidité sidérante avec laquelle les inepties télévisuelles de la truffe Nabila se répandent sur nous à travers le web et les médias sociaux. O tempora…

jeudi 14 mars 2013

Kid A+++++


A quelques jours de la sortie officielle de son premier album, The Golden Age, difficile de ne pas dire un mot de Woodkid. Ok, le buzz autour du bonhomme doit en énerver quelques-uns. J'ai même lu dans TGV Magazine que c'était l'un des albums français les plus attendus depuis une quinzaine d'années… Abusé ? Pas sûr, car une fois qu'on met la tête dans le projet Woodkid, on réalise qu'on a affaire à un artiste qui dépasse allègrement le phénomène de mode. Graphiquement, ses clips époustouflants ont déjà parlé pour lui. Son EP et ses singles en ont fait de même, chargés de promesses. Et l'album, clairement, est à la hauteur des attentes. Ambitieux jusqu'à la démesure parfois, symphonique mais aussi acoustique, subtil, tribal, percutant, ce mélange au final impressionne vraiment. Et séduit. Woodkid propose une écriture vraiment personnelle, même si elle regorge d'influences. Beaucoup de Philip Glass, de Steve Reich sans doute dans la discothèque numérique du jeune homme. Pour moi, en tout cas, le résultat est absolument brillant.

mardi 12 mars 2013

Drôle d'oiseau


Marion Gaume, alias Mesparrow, est l'une des très bonnes surprises de ce début d'année. Son premier album, Keep this moment alive, sort ces jours-ci et sa pop enjouée fait visiblement l'unanimité. Il y a d'abord cette voix cassée, qu'elle module au gré des chansons, mais qui donne un timbre bien particulier à sa musique. Et puis ensuite, une impression de liberté qui, pour l'auditeur, s'avère assez jubilatoire. Ce disque est gai, beau, inventif, sans prétention. Ca fait déjà beaucoup pour un début.

vendredi 8 mars 2013

Perfect mother ?


Naomi Watts se présente comme une "fille normale". Bon. La blondinette copine de King Kong a quand même été révélée par le trouble David Lynch, s'est mise entre les mains de Michael Haneke (Funny games US) ou même dans les pattes certes vieillissantes d'un Woody Allen. Tout ça pour dire qu'en matière de réalisateur pervers, elle s'y connait un peu. Cette fois, c'est Anne Fontaine qui l'embarque dans une histoire également bien tordue. Dans Perfect Mothers, tiré d'une nouvelle de Doris Lessing, Naomi incarne Lil, une femme qui a grandi avec sa meilleure amie Roz (Robin Wright, excellente) dans une petite station balnéaire australienne, lieu paradisiaque et spot de surf. Les filles grandissent, deviennent femmes, puis mères, toujours aussi proches. L'une pert son mari, l'autre s'en sépare, elles évoluent surtout en huis-clos avec leurs deux jeunes fils, qui le temps passant, deviennent eux aussi des jeunes hommes particulièrement pimpants. S'ensuit une relation à quatre dont je ne dirai rien de plus, sinon que le film, assez réussi, ne devrait pas combler Frigide Barjot. On connait le goût de Doris Lessing pour foutre en l'air tout ce qui relève des codes classiques de la famille. Là, on est servi. "Je n'aurai pas pu faire ce film avec un réalisateur masculin", glisse la belle Naomi en fin d'interview. Ah ouais ? Sortie le 1er avril.

lundi 4 mars 2013

Rastas en péril à Berlin


Le Yaam, c'est l'un des endroits les plus cool de Berlin. Plage tenue par une équipe de Rastafaris au bord de la Spree, c'est l'un des points de rassemblement les plus prisés des Berlinois, où l'on boit une bière en agitant les jambes au-dessus de l'eau. On y trouve aussi un resto, des espaces pour les enfants, un skatepark, du beach volley, bref, tout ce qui faut pour passer un moment agréable. Manque de bol, le Yaam se trouve dans l'une des zones menacées aujourd'hui par les projets immobiliers de promoteurs pas très concernés par l'esprit alternatif du Berlin de l'après-Mur, ou ce qu'il en reste. Il y a quelques mois, on évacuait le Tacheles, ce squat géant du cœur de Berlin (devenu, c'est vrai, une caricature pour touristes en mal d'underground), aujourd'hui, à Fridrieschain, on menace de démanteler l'East side Gallery, cette partie du Mur à laquelle est adjacente la plage du Yaam. Triste époque à Berlin.

L'amour au musée


Je sais, j'ai deux ans de retard. Et je n'ai pas d'explications ni d'excuse au fait d'avoir attendu si longtemps pour lire Le Musée de l'Innocence, de l'excellent Orhan Pamuk. Que dire alors qui n'ait déjà été dit ou écrit sur cette histoire d'amour assez sidérante dans l'Istanbul des années 70-80 ? Je trouve personnellement que le plus bluffant est sans doute la narration adoptée par l'auteur et les rythmes qu'il imprime au lecteur, comme le chapitre - immense mais on comprend bien pourquoi - consacré aux fiançailles, ou cette phase de huit ans durant laquelle Kemal rend visite à la belle Füsun chez ses parents. Et puis bien sûr, les thématiques de l'obsession, du fétichisme sont ici sublimées par la beauté du texte, à la fois simple et dense, du pur Pamuk. L'auteur turc a d'ailleurs fini par ouvrir il y a moins d'un an un vrai Musée de l'Innocence à Istanbul, inspiré d'objets et matériaux de l'époque qu'il décrit.