vendredi 7 novembre 2014

More de Moore


Nouvel album de Thurston Moore, The best day semble avoir vocation à davantage ravir les fans de Sonic Youth qu'il ne séduira de nouveaux adeptes. Deux morceaux marathons et assez âpres entament l'album, dont le monolithique Speak to the wild. Pour le reste, l'ami Thurston tire sur les ficelles un peu usées du passé. Chouette, mais sans le frisson qu'on attendrait.



mardi 4 novembre 2014

Waterproof




Un peu tôt pour dresser les tops de l'année, mais l'heure venue, on se gardera d'oublier Still the Water, le film de Naomi Kawase. S'il n'a pas obtenu la Palme d'or à Cannes, il laissera un souvenir au moins aussi puissant que le Winter Sleep de Ceylan. Seul point vraiment commun, une lenteur, cérébrale et dévastatrice chez le cinéaste turc, apaisée et cosmique chez la réalisatrice japonaise. L'histoire est toute simple, au fond : la complicité vaguement amoureuse de deux adolescents sur l'île d'Amami, confrontés au tumulte rituel de l'existence, désir sexuel naissant, complexité du monde adulte et premier vrai contact avec la mort. Ancré de bout en bout, hormis une belle parenthèse tokyoïte, dans les éléments, l'océan, le typhon, la forêt…, le film a tout du conte initiatique mais nous épargne les discours lénifiants pour se concentrer sur l'essentiel : la frontière, souvent ténue, entre le néant et la plénitude de l'existence, sondée ici par le regard en devenir de deux ados dont les corps ne semblent parvenir à s'unir que sous l'eau. Certains vont crier à l'ennui, pas grave, on est sans doute mieux seul ou à deux à contempler ce cinéma subtil et sensuel.



jeudi 2 octobre 2014

French touchy



On le cite rarement quand on évoque la scène électro française et à voir le nombre de vues scandaleusement faible de certaines de ses vidéos sur youtube, on aurait presque envie de pleurer. Enfin bon, aucune raison de verser dans le lacrymal. Exilé aux Etats-Unis, Sébastien Schuller est en fait un musicien dont la liberté d'expression et la trajectoire seraient plutôt du genre réjouissantes. Son album Happiness, paru en 2005, reste l'une des pièces les plus précieuses de cette décennie, combinant electro et pop avec une subtilité et une maîtrise qu'on ne rencontre pas tous les jours. Après un détour plus onirique sur son précédent album, l'ami Schuller revient avec un disque clairement référencé eighties. Si on a un peu peur aux premiers sons de synthé, forcément un poil dégoulinants, le charme, comme toujours avec ce musicien délicat, finit par opérer. Sans atteindre les sommets d'Happiness, Heat wave est un album classe et homogène, hommage sincère à des sons trop souvent (et mal) pillés, assemblage élégant où flotte une belle mélancolie digitale.







jeudi 25 septembre 2014

3 coeurs à prendre



"C'est la province"... Cette phrase, prononcée avec un sourire par deux soeurs à quelques mois d'intervalle en direction du même homme, concentre un peu du charme de ce mélodrame sombre au scénario implacable. La province, c'est là, à Valence pour être exact, qu'un inspecteur des impôts avide de sonder l'éternel mystère féminin, va voir sa vie méchamment basculer. Trouble hasard d'une double rencontre, trajectoires de vie que le destin arbitrairement sépare ou réunit, c'est l'histoire d'une passion, celle de Marc (Poelvoorde, épatant) et de Sylvie (Charlotte Gainsbourg, impeccable). Et si l'un finit par épouser la soeur (Chiara Mastroianni, dans l'un de ses plus beaux rôles) de l'autre, le triangle amoureux n'en est jamais vraiment un : la passion est une ligne terriblement droite, foudroyante, qui au final balaye tout sur son passage, les certitudes, le bonheur, la famille, le coeur. S'il n'évite pas quelques lourdeurs, surlignées par une musique pataude, le film de Benoît Jacquot est une vraie réussite, objet cinématographique plus unique qu'il n'y paraît, quelque part entre Chabrol et Duras. La province, quoi, mortelle et sublime.

dimanche 21 septembre 2014

Un parfum qui rend fou ?


Derrière le nom de Perfume Genious se cache un garçon pas tout à fait comme les autres. Mike Hadreas est né aux débuts des années 80 et a grandi dans la banlieue de Seattle où il vit toujours, semble-t-il, chez sa mère. Ce qui ne l'empêche pas d'être un artiste ultra extraverti, affichant et revendiquant une homosexualité passablement débridée, des obsessions et des addictions pas seulement sexuelles (dope, alcool et tout ça). Côté musique, signé chez Matador, Perfume Genious a déjà livré deux albums déclinant une indie-pop sacrément inspirée, où le tandem piano/voix fait le plus souvent des merveilles.





Voilà Mark Hadreas de retour en cette fin septembre, avec un nouvel album, Too bright, qui lorgne davantage vers le glam et a bénéficié de la production d'Adrian Utley (Portishead, quand même). Les clips de Queen ou de Grid valent d'ailleurs le coup d'oeil. Ok, il faut avoir envie de plonger dans cet univers assez barré et extravagant, c'est parfois un poil fatiguant, mais quelques belles surprises sont au rendez-vous, surtout en fin d'album, plus calme. On n'avait pas entendu un morceau aussi poignant qu'I'm a Mother, où planent les ombres de Bowie et Scott Walker, depuis quelque temps. Sans crier au génie, l'un des albums à ne pas rater cette rentrée.



samedi 15 février 2014

Une histoire polonaise



C'est la force et fatalement un peu la limite de ce film : sa puissance esthétique, la sécheresse de son noir et blanc, son format carré, ses plans fixes toujours somptueusement décadrés et même sa durée, 1h19 seulement. Ida se situe dans la Pologne communiste des années 60 et s'intéresse à une jeune nonne orpheline prête à entrer dans les ordres, mais que sa mère supérieure incite à aller d'abord rencontrer sa tante, qu'elle ne connaît pas. Les révélations sur son très trouble passé familial (elle est de parents Juifs disparus) vont provoquer une quête assez macabre sur des faits qui renvoient directement à des pans de l'histoire polonaise pour le moins pénibles. Les actrices s'avèrent remarquables et la jeune Agata Trzebuchovska, simple amatrice, possède le magnétisme d'une Léa Seydoux. La musique, elle,  passe par Bach et Coltrane, ce qui n'est pas ce qu'on a entendu de pire. Reste le fond, évidemment terrible, mais sans doute pas assez creusé du fait de cette narration à ellipse qui va droit au but. On y perd un peu en émotion, en profondeur. Dommage… Pour autant, le film de Pawel Pawlikowski reste un objet formel à la fois austère et fascinant, qui dénote avec bonheur dans le cinéma actuel.




mercredi 15 janvier 2014

Fils à papa



Il y a des films qui ont cet art subtil de flirter avec les clichés ou les bons sentiments sans jamais vraiment y céder. Tel père, tel fils fait sans doute partie de ceux-là. Une thématique de départ forte, mais déjà vue (et pas seulement chez les Groseille), un terreau narratif forcément émouvant, quelques touches de Bach un peu trop appuyées, et pourtant… Pourtant Hirokazu Kore-Eda ébauche son film avec une simplicité bienvenue, une économie de moyens qui n'occulte en rien les questionnements des personnages, tous intéressants, qui deviennent vite nos propres questionnements : autour de la filiation bien sûr, de l'éducation, de la relation qui peut se tisser entre un adulte et un enfant, entre un homme et un garçon… le spectre est large et forcément universel. Le tout néanmoins campé dans une société japonaise dont on connait le registre ultra-codé. Bref, chaudement recommandé, comme dirait le Grand Journal…

mercredi 8 janvier 2014

Danton is back


Un type talentueux, ce Danton Eeprom. DJ réputé, c'est aussi un musicien touche-à-tout, qui manie l'electro avec un spectre assez large, très large même. Son premier album, en 2009, sorti chez inFiné, jouait déjà sur les contrastes, d'une electro old school à des envolées plus pop. Même label, même démarche, pour autant If looks could kill, nouvel album du Français parti s'encanailler à Londres, n'est en rien un remake du précédent. Quelques morceaux phares (Biscotto&Chimpanzee, Hex Tape, Femdom) emmènent l'ensemble plutôt du côté du dance-floor, mais sans se priver d'irrésistibles détours. Jouissif.