dimanche 12 avril 2015

Pas vraiment un détail



Son livre, un court récit d'une centaine de pages, est sorti il y a deux mois environ. Marceline Loridan
-Ivens a 86 ans et c'est l'une des rares survivantes d'Auschwitz-Birkenau. A l'occasion de cette parution, on a pu la voir dans les médias, et notamment sur France Inter, témoigner sans fard de cette expérience qui a ravagé son existence et de sa désillusion face à un monde où obscurantisme et antisémitisme ont la vie dure. Le livre, conçu comme une longue lettre à son père déporté en même temps qu'elle, évoque bien sûr le quotidien inhumain des camps, mais raconte aussi la difficulté de revenir, l'impossible partage d'une vérité presque indicible, les marques irréversibles d'un drame qui pousse vers le suicide certains des membres de la famille pourtant pas déportés. Marceline Loridan-Ivens a survécu à tout cela, a fini par reprendre la vie à bras le corps, épousant le cinéaste et documentariste Joris Ivens et se consacrant tant bien que mal à d'autres causes. Dire qu'il faut lire ce petit récit relève de l'euphémisme. Bien sûr, ce n'est pas le premier texte qu'on lit sur la Shoah, mais à une époque où la mémoire semble faire défaut à beaucoup, ce n'est jamais un luxe d'écouter ceux qui ont réellement vécu l'horreur.

 "Je n'aime pas mon corps. C'est comme s'il portait encore la trace du premier regard d'un homme sur moi, celui d'un nazi. Jamais je ne m'étais montrée nue avant ça, surtout dans ma nouvelle peau de jeune fille qui venait de m'imposer des seins et tout le reste, la pudeur était de rigueur dans les familles. Alors se déshabiller, pour moi, a longtemps été associé à la mort, à la haine, au regard glacé de Mengele, ce démon du camp chargé de la sélection, qui nous faisait tourner nues sur nous-mêmes au bout de sa baguette et décidait de qui vivrait ou pas."

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